mardi 24 juillet 2007

Monumenta 2007 Anselm Kiefer

Retour sur la Monumenta d’Anselm Kiefer
Ou les traces d’une exposition sur ma carte-mémoire

Décharger les photos avant qu’elles ne se contaminent les unes aux autres.
Faire défiler et reconnaître un jus, le mien.
Trier et revivre par un écran de pixels quelques petits moments.
Les photos comme une deuxième visite par procuration
S’attendre justement à revivre les mêmes impressions, l’affichage de la photo comme un déclencheur de la mémoire.
Et puis non, cette bibliothèque, première photo de ma série Monumenta, elle est minuscule, on dirait un cadre-photo.
Frustration que de ne pas revivre ce volume. Pourquoi ?
Evidemment, il n’y a aucune échelle. Pas de petit personnage ni de silhouette.
Inclure le touriste à casquette, t-shirt rouge et short kaki, lui-même en train de prendre une photo, ce n’était pas pensable. Il ne fallait pas briser l’harmonie de gris, une harmonie sourde qui se détachait de son fond parfaitement blanc. Il ne fallait pas faire cohabiter ces deux dimensions du temps : celle du touriste pressé et celle monumentale et silencieuse de la bibliothèque. Silencieuse ? Non, la bibliothèque était tout sauf silencieuse mais l’entrechoquement de ces débris de verre et de métal (entrechoquement qui ne s’entendait qu’en regardant la bibliothèque) produisait un grondement sourd qui semblait s’élever de la bibliothèque comme une aura et s’imposait alors comme un lourd silence.


La monumentalité de l’œuvre me permettait alors de faire abstraction des autres visiteurs et je pensais rendre compte de ce sentiment en donnant l’illusion de me tenir seule face à cette bibliothèque.
Mais on ne me sent pas derrière l’objectif. J’ai pris d’autres photos au cours de l’exposition, elles sont en contre-plongée et laissent voir la voûte du Grand Palais et par cette perspective, on sent une présence, une échelle.

Or dans cette photo, la perspective en contre-plongée est trop légère, elle ne rend pas compte des dimensions. La bibliothèque devient objet et perd ainsi son caractère monumental. Ce sentiment de grandeur qui vous force à vous tenir debout, à apprécier vos propres dimensions.

Malgré tout je vous livre cette photo, ce cadre-photo au coin d’une table.

dimanche 17 juin 2007

Jean Tinguely, Autoportrait, 1988

Autoportrait 1988
Jean Tinguely
au Centre Pompidou

Tinguely, Tinguely, Tinguely…
Doit-on vraiment prononcer de i , Tineguely, où est-ce que c’est poussé par les oeuvres à la mécanique poétique que l’on chante son patronyme, qu’on le fait justement tinter?
Tinguely en écho aux cliquetis de ses machines. Un nom comme une onomatopée, une chatouille, un guili.

Les visiteurs arrivent par flot régulier dans la salle qui héberge son autoportrait au Centre Pompidou. C’est la curiosité qui les anime. Le son grinçant de cette machine rouillée.
Comme un épouvantail, Tinguely se représente en vieillard au nez crochu, un angle empaillé sur l’épaule. L’œuvre date de 1988, 3 ans avant sa mort. De longues chaînes rouillées relient notre vieillard (sus)pendu au plafond à une grande roue qui cache sous elle un petit moteur. C’est ce dernier qui actionne l’œuvre toutes les 5 minutes environ, il entraîne la roue dans une rotation lente qui tire les chaînes, sorte de bras de l’épouvantail, chacune à leur tour, faisant ainsi danser le vieillard.

Les bruits ainsi que les ombres contribuent à la théâtralisation de l’œuvre qui ne prend son sens qu’en mouvement. Entraîné par les chaînes, l’autoportrait de Tinguely se tourne de chaque côté. Il se débat presque si bien qu’on ne sait plus tellement si c’est lui qui fait marcher la machine ou si c’est elle qui l’anime.


Les quelques mètres qui séparent le vieillard de la roue sont un chemin matérialisé par les chaînes. Le vide créé entre les deux éléments donne une dimension tragique aux liens que sont les chaînes.

Tinguely a passé toute sa vie à bricoler des machines, animé par le mouvement. Lui qui aimait tirer les ficelles se représente à la fin de sa vie en marionnette.

photos personnelles



jeudi 26 avril 2007

TOURNEZCOURT!




TOURNEZ COURT!

Festival de Courts Métrages

le 3 Mai 2007

Au Centre Rabelais Montpellier
Un court métrage, c’est quoi ?
D’abord défini par la longueur de film, le court métrage s’est imposé comme genre si bien qu’il a gardé son appellation lorsqu’il a investi les techniques numériques.
On est souvent un peu interloqué après un court, désorienté, on cherche des bribes d’image, d’actions auxquelles se rattacher pour pénétrer l’histoire. Mais le court a justement la liberté de s’affranchir de la narration qu’impose le long métrage. Et ce n’est que l’alourdir que de lui attribuer les mêmes codes de compréhension que ceux du long métrage. C’est comme d’expliquer Kafka, on en perd la légère absurdité de l’histoire.
Se laisser porter par le court. Voui, le court c’est un peu la liberté.
Le 3 mai, plutôt que d’aller au parc des expositions voir le petit, va plutôt au festival du court au Centre Rabelais. Un acte politique engagé dans le développement de la culture.
Belle initiative que cette première édition de tournezcourt !.
En espérant que vous serez nombreux…
Montpellier, le court vient à toi, ne lui résiste pas.
Toutes les infos :


http://tournezcourt.blogspot.com
affiche very special courtesy claire!

mercredi 11 avril 2007

Re-Trait

Re-Trait
du 6 mars au 13 avril 2007
à la Fondation d'Entreprise Ricard
Dessiner. C’est bien un verbe. On n’a pas de verbe pour le mot image. On confond bien trop souvent le dessin et l’image.
L’exposition Re-trait qui se tient actuellement à la Fondation d’Entreprise Ricard revient sur cette confusion en privilégiant le dessin à l’image. (il ne reste que quelques jours pour vous y rendre mais vous pouvez tout aussi bien faire un tour sur leur site pour consulter leur galerie de photos)
On juge bien trop souvent l’image dans le dessin, et par image, j’entends le résultat figé de l’action de dessiner. Une image est alors jolie ou moche, à souhait.
Le dessin est trop souvent oublié au profit de l’image alors qu’il est précisément ce qui fait que l’image est unique.
Dans l’exposition, le dessin n’est pas réalisé en vue d’une image mais il se décrit comme un chemin en revenant ainsi à son sens premier : dessin/dessein. On est donc dans un en-deçà, dans un avant l’image, dans un pendant, celui du dessin.

Le dessin est donc présenté comme une expérience, quelque chose à vivre dans une durée.
Si quelques œuvres, comme les dessins à la colle de Rainier Lericolais ou les phone drawings de Jonothan Borofsky, si ces œuvres-là appartiennent sans aucun doute au champ large du dessin contemporain, certaines se voient attribuer un sens supplémentaire en se frottant au champ du dessin.

C’est le cas de la performance de Tanaka how to draw a line on the road.
Des briques de lait dont disposées de manière linéaire et à intervalles réguliers sur une route. Une voiture passe et dessine une ligne blanche en écrasant une à une les briques de lait. La performance est restituée par deux vecteurs : la vidéo (on est alors bien face à un paysage, la ligne blanche fuyante sur la route intervient comme une oblique qui dynamise la composition de cadre) et la photo (les photos présentent la ligne blanche cadrée à l’horizontale, donc l’après-performance, nous est alors donné à voir un remake du zip barnettnewmanien version demi-écrémé). Les couleurs, les cadrages, tout relève ici d’un souci esthétique qui ne fait que mettre en valeur le geste, la performance, véritable évolution du dessin loin du crayon et de la feuille blanche.
Une autre œuvre qui si elle parle de dessin s’inscrit elle aussi dans la durée : en suivant la main droite de marylin monroe dans the misfits de Pierre Bismuth. Et pour cause, il passe par le cinéma, l’image-mouvement pour réaliser son image. Cette empreinte blanche sur noir, cette trace lumineuse, c’est l'enregistrement des mouvements de la main de Marylin Monroe dans the misfits.
Grouillement désordonné. Contraste noir/blanc. Ce sont bien les mouvements de Marylin qui sont à l’origine de ce gribouillis mais nulle trace du glamour de la Monroe.
L’image que produisent ces œuvres de Bismuth ressemble de beaucoup aux radiographies de pensée de la graphiste-typographe, Catherine Zasks. Avec ses gribouillis, elle crée un espace, une sorte de pelote qui ondulerait sur elle-même. Sont donc alors présents dans un même gribouillis, l’espace et le temps. Le dessin devient alors mouvant et totalement autonome. On n’est finalement pas très loin du stream of consciousness de W. James.
Zasks adopte la même présentation que Bismuth quant à ses radiographies de pensée : de grands caissons lumineux qui font ainsi apparaître la trace comme un négatif.
« Si le corps peut produire une trace, pourquoi pas la pensée ? » Zasks.

Tanaka et Bismuth, images provenant du site de la Fondation d'Entreprise Ricard, Zasks, image provenant du site pixelcreation


dimanche 4 mars 2007

Soulages au Nouveau Musée Fabre

Soulages au Nouveau Musée Fabre
à Montpellier

Je suis entrée dans l’un des plus beaux musées d’Europe. (spéciale dédicace à MC Georges Frêche, ouais gros)


Après 4 ans de fermeture pour cause de travaux de rénovation, le Musée Fabre de Montpellier rouvre ses portes. Majoritairement peinture et un peu sculpture, les œuvres présentées vont de la Renaissance à nos jours. L’exposition permanente s’organise autour de moments forts dus aux diverses donations ; il y a bien sûr une importante collection de peinture de Fabre lui-même, une salle Cabanel, de nombreux portraits d’Alfred Bruyas par Courbet et ses confrères (donation Bruyas) et un nombre important de peintures de Soulages, ce dernier étant très attaché à la ville de Montpellier. Si l’on s’attache à une présentation chronologique, on peut regretter de nombreux absents mais cette attitude va à l’encontre de l’acceptation de l’identité du Musée Fabre. Le Musée Fabre donc, avec ses partis pris, et non pas un musée de plus qui aurait élu domicile au hasard à Montpellier.

Je ne sais pas vraiment comment on a réussi à se perdre dans le musée. Enfin à se perdre, non, mais à perdre le fil chronologique. C’est souvent le cas quand on a une distribution des pièces qui offre trop de choix à la poursuite de la visite. Des pièces en enfilades s’ouvrent sur le couloir, mais il y a aussi des demi-niveaux « on l’a déjà faite cette salle-là ? ».

Bref, avec quand même quelques repères en tête (les Soulages, c’est en haut), j’emprunte un petit escalier coincé entre le mur surface de verre et un autre mur. Arrivée en haut, je contourne le mur et l’espace aéré de la pièce se donne à voir.
Ca y est, les Soulages. Grands, très très grands. J’ai l’impression qu’avec mon petit escalier, je n’ai pas été bien préparée à les voir. Un petit banc, je m’assieds. Ce que j’attendais, ce que je voulais ressentir devant ces Soulages, c’est là mais c’est tellement loin, je l’aperçois seulement sans vraiment pouvoir l’atteindre. Je me concentre mais l’émotion ne me semble être qu’un résidu de ce que j’ai déjà pu éprouver devant un Soulages. Et ceux-ci sont tellement grands. Pas vraiment de fluidité, ni d’hypnose. Ma rencontre est manquée. Parcours à l’envers.




On quitte la salle pour retrouver d’autres Soulages, plus petits, et d’autres encore. 32 Soulages au Musée Fabre. Dans les derniers, il me semble que l’émotion se rapproche et non pas parce que j’ai déjà pu voir d’autres Soulages mais parce que leur format est plus accessible. Je sais me placer devant eux, la salle n’a pas de dimensions démesurées, les tableaux sont à échelle humaine.

Si je savais déjà que la perception d’une œuvre dépendait énormément de sa présentation, j’étais moins consciente du parcours qui pouvait nous amener à percevoir une œuvre. Le parcours à l’envers que j’ai fait m’a fait manquer ma rencontre avec les grands Soulages, je n’étais pas préparée à cet espace qui s’est livré à moi sans suspense de but en blanc. Les grands Soulages, c’était trop. Je m’imagine faire le parcours à l’endroit et l’évolution fluide qui m’amènerait à cette dernière et grande salle, et là, émerveillement de l’espace, des œuvres. La prochaine fois.
Puis redescendre donc par l’escalier principal.

mardi 27 février 2007

Tàpies


Les affiches de Tàpies et la sphère publique
Du 21 décembre au 25 février 2007
à la Fondation Tàpies, Barcelone




La Fondation Tàpies, à Barcelone, c’était à ne surtout pas manquer. Il fallait absolument y aller, coûte que coûte, vaille que vaille.
Un coup d’œil sur le guide des expos temporaires : Tàpies’posters and the public sphere ou si vous préférez : els cartells de tapiès i l’esfera pùblica. Mouais. Des posters, quoi. Déçue, déçue… M’enfin il y aura toujours la collection permanente pour encore constater du pouvoir fascinant des « murs » de Tàpies. C’est donc avec un peu de réticence que j’entre dans la fondation Tàpies, réticence parfaitement dissimulée, cela va sans dire sans quoi j’aurais pu me retrouver à faire l’expo en solo…

Les œuvres de la collection permanente se comptent sur le bout des doigts, 2-3 beaux grands murs, des sculptures et des peintures surréalistes très empreintes de l’influence de Miro. L’équilibre est de rigueur.


Maintenant, allons voir les posters… D’ailleurs, plutôt que posters je préfèrerais affiches parce que « posters » a ceci de plat parce que trop lié à l’industrie commerciale quand « affiches » est plus vindicatif. La matière que j’aime dans les murs de Tàpies, je la retrouve ici dans l’épaisseur de ses traits, dans la vitesse de ses gestes enregistrés dans la peinture, dans les nuances colorées. Même dans les affiches les plus minimalistes, la couleur du papier est pensée, le papier perd donc sa neutralité et accède au statut d’objet et c’est là aussi qu’on peut voir le pont avec ses grandes peintures.


On n’est pas encore dans l’art graphique comme pure expression de l’artiste. L’affiche dit quelque chose, elle signifie et livre
un message.





Comme c’est suggéré dans le titre de l’expo, deux types d’affiches sont présentées : Celles annonçant les nombreuses expositions personnelles de Tàpies et les affiches commandées dans le cadre de campagnes sociales. Dans les premières, sont donc confrontées les œuvres de Tàpies aux informations relatives à l’exposition. S’opère alors un dialogue entre les deux et dans lequel ladite œuvre reproduite n’intervient pas seulement comme une illustration. Pour comprendre la spécificité de ces affiches, pensez à n’importe quelle autre affiche annonçant une exposition monographique : l’image, que ce soit une reproduction d’œuvre, ou bien un mix d’œuvres est souvent conçue comme le fond de l’affiche, le support en quelque sorte et les mots, l’information vient se surajouter dans un parfait copier-coller. Il y a donc deux temps dans l’affiche : l’œuvre finie (image) et le regard sur l’œuvre (texte). Cette information sur l’affiche oriente par son message le visiteur.


Dans les affiches de Tàpies, l’image, c’est l’affiche toute entière, elle n’est pas seulement fond. On ne retrouve pas l’arrêt du temps que constitue le copier-coller « image puis information ». L’information qui intervient dans les affiches de Tàpies est dans la continuité de ses œuvres. Les œuvres de Tàpies sont ouvertes et il conserve cette ouverture lorsqu’il réalise ses affiches. Le texte informatif ne vient pas combler un vide sur le papier, il joue avec l’image pré-existante pour créer une nouvelle image.

Le fait que nombre des expositions soient présentées dans des galeries facilite ce dialogue plus immédiat. Le rapport que Tàpies entretient avec l’empreinte, la trace aussi bien dans ses larges gestes picturaux que dans ses mot griffonés se trouve enrichit de cette confrontation typographique que permet l’affiche.


Dans certaines affiches commandées par des organismes sociaux, il arrive même que les seuls mots de l’affiche soient écrits de la main de Tàpies. Aucun texte tapé à la machine ne vient compléter l’affiche. La force contenue dans ces œuvres va au-delà de la lisibilité, elle dit. Sans sous-titre, sans légende.

Dans ces affiches-là, c’est la capacité de Tàpies d’aller à l’essentiel qui est convoquée, ses gestes se font signes.

photos issues du catalogue

dimanche 21 janvier 2007

Martial Cherrier


Martial Cherrier
Fly or Die
Du 10 janvier au 4 mars 2007
A la Maison Européenne de la Photographie




Mathew Barney, lui aussi a été bodybuilder. Et son passé de culturiste donne quelques clés pour comprendre l’esthétique si particulière et dérangeante de ses œuvres. Mathew Barney, Martial Cherrier, body builders et plasticiens. Mais oui, normal. Référence au body art et même à l’art charnel d’Orlan parce que Cherrier passe lui aussi par la chirurgie esthétique, étape ultime de la gonflette. Martial Cherrier, donc, reflet de notre société actuelle qui prône le culte du corps. Tout s’enchaîne, c’est si logique.

M’enfin, non. Il y a quelque chose de nouveau chez Cherrier qui m’intrigue, quelque chose qui va au-delà de l’ambiguïté sexuelle de Barney, qui me semble plus frais et pas seulement parce que les moyens plastiques mis en œuvre sont plus sobres. Et puis non, on est loin d’Orlan, mamie ringarde aux pommettes frontales en bombe à eau.De ce que l’on peut voir dans cette petite exposition consacrée à Cherrier à la MEP, je passe donc rapidement sur les premières vidéos : injection de drogue dans d’énormes biceps, pilules tutti frutti pour devenir musclor s’enchaînent dans un montage accéléré. Et là je veux bien y voir une référence au body art. Sculpter son corps, devenir sculpture, le corps scientifique… voilà le discours, passons.



Au fond, dans la petite salle après la cafeteria, elles sont là, ces boîtes dans lesquelles Cherrier a épinglé des photos de lui superposées sur des ailes de papillons. Cherrier est musculeux et huilés, il prend la pose, les papillons sont grands et colorés, le tout est présenté à hauteur d’yeux comme dans un museum d’histoire naturelle. Il y a d’emblée quelque chose qui m’attire dans la petitesse qu’a ce corps certes fort, bronzé et huilé, quelque chose de ridicule. Un humour léger, presque, presque de la poésie. A ne pas manquer ce montage photo : vous connaissez bien ces poses qui visent à faire ressortir la musculature : les muscles des bars contractés au-devant du buste, les poings serrés et les pectoraux qui clignotent par tant de tension puis les bras les bras levés, coudes repliés les poings derrière la tête ; ces deux poses épinglées avec des ailes de papillon s’enchaînent et miment ainsi l’envol du papillon.
Comment plastiquement associer deux pratiques ringardes : le culturisme et la papillonophilie (quel est le mot exact?) pour donner un sens nouveau ?




Il y a bien sûr cette idée de la métamorphose qui va au-delà de l’opposition que l’on pourrait faire entre la fragilité du papillon et la force gonflée du bodybuilder.
Là où Barney me fait peur parce que c’est simplement trop, Cherrier m’intrigue parce qu’il semble vivre sur la même planète que moi, que j’aime sa manière de penser. Champion de France de bodybuilding en 1997, c’est la date la plus récente qui nous est donnée concernant son activité culturiste. Est-ce qu’il l’est toujours ? A-t-il toujours été plasticien et bodybuilder ? Cette pensée m’intrigue alors que dans un autre cas, elle aurait tout aussi bien pu me dégoûter. Le bodybuilding est une pratique bien éloignée du monde intellectuel de l’art et Cherrier ne semble pas avoir choisi cette activité par provocation intellectuelle. Il ne vit pas en spectateur de son corps, sculpture artistique, il l’est. Martial Cherrier, ce n’est pas du vent et ce n’est pas non plus un fou.

photos provenant du site de la mep

vendredi 5 janvier 2007

Du phénomène de la bibliothèque

Du phénomène de la bibiothèque
de Joseph Kosuth
du 27 oct au 23 dec 2006
Galerie Almine Rech, Paris



Book Cell
de Matej Krén
du 19 juil au 31 dec 2006
CAMJAP, Lisbonne








Chercher des yeux…à tâtons… La tête de travers, déchiffrer les tranches… Rebondir d’un titre sur l’autre, soulever quelques piles, et retrouver des trésors perdus derrière lesdites piles. Puis piocher, au hasard. L’ouvrir, faire défiler ses pages, le renifler, en lire quelques lignes.
Une bibliothèque. Post-its, marque-pages, annotations et croquis au crayon les jours de prudence mais parfois au stylo et même au surligneur fluo …marques d’appropriation qui peuvent en dire long sur leur lectrice (c’est peut-être pour ça qu’elle garde jalousement ses livres, who knows ?).



Les deux expositions qui m’ont amenée à faire cette petite digression sont malheureusement terminées. La première, du phénomène de la bibliothèque était une installation de Joseph Kosuth (40 ans d’art conceptuel à son actif le Joseph) à la galerie Almine Rech. Etaient présentés sur les murs de la galerie, des panneaux de verre sur lesquels étaient imprimées des photos de bibliothèque auxquelles étaient adjointes des citations de célèbres écrivains. Pour accéder aux-dits panneaux, le visiteur déambulait le long d’un passage laissé libre par des par-terres recouverts de livre, ceux-ci fournissant donc le contexte « bibliothèque » aux œuvres sur panneau.

La deuxième, Book Cell de Matej Krén est encore une installation mais cette fois-ci à Lisbonne dans le Hall du CAMJAP (Centre d’art moderne de la fondation Calouste Gulbenkian). Sur un plan hexagonal, sont empilés des livres à l’horizontal de manière à former une cellule close sur elle-même. Le visiteur est invité à pénétrer à l’intérieur de la-dite cellule et à la traverser en suivant un passage lumineux. Cette bande que constitue le passage divise le plan de la cellule en deux. De part et d’autre de cette bande, des miroirs réfléchissent à l’infini les tranches colorées des livres empilés non sans provoquer un certain vertige.


L’une est grise (comme la matière, en référence à la précédente exposition de Kosuth chez Almine Rech, celle où j’avais été surprise par une œuvre de Tino Seghal), l’autre est colorée (constituée des ouvrages édités par le CAMJAP depuis 50 ans, ils seront d’ailleurs remis en vente après démontage de l’installation). Pouin pouin pouin, ce serait tentant de continuer de comparer point par point ces deux installations mais sûrement rébarbatif pour le lecteur qui n’en aurait pas fait l’expérience. Inutile aussi de refaire une analyse de Kosuth et de la désignation de l’art, tout a déjà été dit et je ne comptais pas parler de l’expo chez Almine Rech avant d’avoir vu Book Cell à Lisbonne . Car si l’on comprend très bien en suivant le cheminement de Kosuth comment il peut en arriver à utiliser le livre comme matériau, lui qui joue avec la matière du langage, il semble que cet aspect linguistique de son travail se rencontre avec quelque chose de plus général qui me semble être dans l’air du temps, et ce, justement en regard de l’installation de Krén : la bibliothèque (à moins que ce ne soit qu’une obsession personnelle grandissante…).

Une bibliothèque a ceci d’impressionnant qu’elle contient en très peu de place un temps infini de mots. C’est le point de départ d’un grand nombre de voyage. Les livres s’additionnent, s’empilent un à un mais leur contenu est exponentiel (effet accentué par les miroirs dans l’installation de Krén). Chaque livre marque une rencontre avec son lecteur, rencontre parfois idéalisée, parfois manquée. Quel doux vertige que le choix d’un livre face à une bibliothèque ! Chaque livre représente un possible et leur mise à égalité sur l’étagère prodigue une certaine liberté.

Les livres de Book Cell étaient trop bien empilés pour qu’on ait pu en retirer un seul sans tout faire tomber, j’ai même pensé qu’ils étaient collés mais hypothèse a priori impossible étant donné qu’ils seront remis à la vente par la suite. Mais ceux du phénomène de la bibliothèque étaient simplement étalés par-terre sans colle… je n’ai malheureusement pas été chiche d’en prendre un même si après réflexion, je ne pense pas que cela aurait enlevé beaucoup à l’œuvre (non pas le fait que moi, juste moi, je prenne un bouquin en le cachant sous mon manteau mais plutôt que les livres soient disposés à cet effet) étant donné qu’ils semblaient presque tous être d’occasion et vu le nombre de doubles, je doute fort qu’ils aient appartenus à une bibliothèque particulière. Bref tant pis…

du phénomène de la bibliothèque, photo provenant du site de paris art, courtesy galerie almine rech

book cell, photos personnelles